Par Jean Paul Ilunga Mbayo, Ingénieur en charge des Énergies – Barrick – Kibali Gold Mine, RDC
Haut-Uele, RDC. À plus de 1 800 km des ports maritimes les plus proches et au cœur de la forêt équatoriale congolaise, une révolution silencieuse mais stratégique est en cours. Portée par la société minière Barrick, la mine d’or de Kibali se distingue aujourd’hui comme un exemple emblématique de transition énergétique réussie en Afrique subsaharienne, grâce à l’intégration d’une centrale solaire de 16 MW couplée à un système de stockage par batterie de 15 MW / 30 MWh. Une première dans cette partie du continent.
Un virage stratégique vers les énergies renouvelables
Face aux défis logistiques, environnementaux et économiques liés à une dépendance historique au diesel, Kibali a pris une décision audacieuse dès 2015 : investir massivement dans les énergies renouvelables pour assurer sa souveraineté énergétique. Ce tournant s’est d’abord traduit par la construction de trois centrales hydroélectriques – Nzoro II, Ambarau et Azambi – totalisant une capacité installée de 42 MW.
L’année 2024 marque une nouvelle étape avec l’inauguration d’un vaste parc solaire de 42 hectares, composé de 30 680 panneaux photovoltaïques, 295 trackers solaires et 4 720 structures de montage. Cette installation vient compléter le dispositif hydroélectrique existant pour former un mix énergétique propre, stable et performant.
Des bénéfices tangibles : économie, écologie, inclusion
🔹 Un levier économique puissant
Le passage à un mix hydro-solaire permet à Kibali de réaliser une économie annuelle de plus de 82 millions de dollars, soit une réduction de 61,5 % par rapport à un fonctionnement basé exclusivement sur le diesel. Le coût de production d’un kilowattheure chute de 0,40 USD à seulement 0,14 USD, preuve que durabilité peut rimer avec rentabilité.
Type de production | Coût annuel | Coût par kWh |
Diesel seul | 133,4 M USD | ~0,40 USD/kWh |
Hydro + solaire | 51,3 M USD | ~0,14 USD/kWh |
🔹 Un impact environnemental mesurable
Grâce à cette transition, Kibali réduit considérablement ses émissions de gaz à effet de serre. L’introduction de camions miniers 100 % électriques (SANY SKT105E) constitue une innovation majeure, permettant une réduction estimée de 900 tonnes de CO₂ par an, rien que pour cette flotte pilote.
🔹 Un engagement communautaire fort
Kibali ne se contente pas de produire de l’énergie propre pour ses opérations. Elle partage son excédent avec les communautés de Durba et Watsa, fournissant annuellement plus de 13 millions de kWh d’électricité, stimulant ainsi l’activité économique locale et améliorant la qualité de vie.
🔹 Un accélérateur de compétences nationales
Le département des énergies de Kibali est désormais 100 % piloté par des ingénieurs congolais. Ce transfert de savoir-faire est un facteur clé de souveraineté technologique et de développement des compétences locales, dans un secteur historiquement dominé par l’expertise étrangère.
Vers une mine verte et intelligente
L’ajout du système de stockage par batterie (Nidec – 15 MW / 30 MWh) constitue une avancée technologique majeure. Il permet de stabiliser le réseau hybride durant les périodes de faible ensoleillement ou de faible débit hydraulique, assurant une continuité énergétique sans recourir systématiquement aux générateurs thermiques de secours.
Grâce à ce système intégré, Kibali illustre la faisabilité d’une mine intelligente et verte qui allie haute performance industrielle, responsabilité environnementale et impact social positif, dans un environnement souvent perçu comme hostile ou peu favorable à ce type d’innovation.
Une référence continentale pour la transition énergétique
Le modèle développé par Kibali Gold Mine dépasse le simple cadre minier : il constitue un prototype reproductible pour d’autres industries énergivores en Afrique. À l’heure où la transition énergétique devient une priorité mondiale, cette initiative congolaise montre que l’Afrique peut non seulement suivre, mais précéder le mouvement.