Tout comprendre de l’affaire Salomon Idi Della

Le 30 mai 2023, à l’aéroport de Ndjili, une scène surréaliste se déroule sous les yeux de Moïse Katumbi, le leader du parti Ensemble pour la République et candidat à l’élection présidentielle en RDC. Son conseiller spécial, Salomon Idi Della, est arrêté de façon spectaculaire par des hommes en uniforme de la garde républicaine et des civils, alors qu’il s’apprêtait à prendre son avion pour Lubumbashi.

Des caméras amateurs de smartphones ont capturé la scène d’une violence inouïe de la part des hommes servant sous le drapeau envers un citoyen. Rapidement, les vidéos sont devenues virales sur les réseaux sociaux, provoquant un tollé dans l’opinion et chez les militants des droits de Lubumbashi.

Pourquoi les renseignements militaires ont-ils enlevé ce bras droit de Moïse Katumbi ?

Il n’a pas fallu longtemps pour connaître l’identité des hommes qui étaient à la manœuvre ou plutôt le service auquel ils appartenaient : le renseignement militaire, l’ex-DEMIAP(Détection Militaire des Actes Anti-patrie). Que reprochaient-ils à Salomon Idi Della ? Le mystère est resté entier alors que plusieurs théories étaient échafaudées sur la toile par les affidés du pouvoir en place. Il serait un sujet belge qui se serait enrôlé pour les scrutins à venir. Il serait porteur d’une arme sans autorisation des autorités. Le renseignement militaire est resté muet, les avocats de Salomon ont même été interdits d’assister leur client en violation de la Constitution de la République. Pré d’une semaine après l’arrestation, le renseignement militaire a finalement communiqué sur le cas de Salomon Idi Della, l’accusant de tentative de coup d’Etat en complicité avec le M23, un groupe rebelle actif dans l’est du pays. Selon le lieutenant-colonel Kangoli Ngoli Patrick, conseiller juridique de l’état-major des renseignements militaires, Salomon Idi Della aurait été porteur d’une arme à feu lors de la manifestation de l’opposition du 20 mai et aurait voulu « renverser le pouvoir en place en République démocratique du Congo par tous les moyens et y installer un ressortissant katangais ». Ces accusations ont été aussitôt démenties par Moïse Katumbi et son entourage, qui ont dénoncé une « machination politique » visant à les écarter du processus électoral. Ils ont également réclamé la libération immédiate et sans condition de Salomon Idi Della, ainsi que le respect des droits fondamentaux des citoyens.

Un élément nouveau est venu contredire la version des services de renseignements militaires sur l’arme à feu attribuée à Salomon Idi Della. Il s’agit d’un tweet publié ce mercredi 7 juin par l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, qui a affirmé que le pistolet Jéricho en question appartenait à son garde du corps qui l’avait reçu en bonne et due forme de la police depuis qu’il était premier ministre. Il a ajouté que cette arme a été perdue le 25 mai, le jour du sit-in de l’opposition organisé sur le boulevard du 30 juin et réprimé par la police.

Mais le mal était fait. L’affaire Salomon Idi Della comme la répression brutale de la marche de l’opposition le 20 mai, a terni l’image du président Félix Tshisekedi, fils d’Étienne Tshisekedi qui s’était longtemps battu pour l’avènement de la démocratie en RDC, et de son gouvernement, qui se sont retrouvés sous le feu des critiques internes et externes. Certains observateurs ont même parlé d’une « histoire inventée  » de la part des services de renseignement, qui auraient agi sans concertation avec les autorités politiques et judiciaires.

D’autres ont soupçonné une manipulation orchestrée par les proches du président Félix Tshisekedi, qui chercheraient à affaiblir le camp Katumbi. Quoi qu’il en soit, l’affaire Salomon Idi Della a révélé les failles du système sécuritaire congolais et les tensions qui traversent la classe politique à l’approche des élections. Elle a également mis en lumière le rôle clé que joue Salomon Idi Della dans la stratégie de Moïse Katumbi, qui apparaît comme le principal rival de Félix Tshisekedi dans la course à la magistrature suprême.