CARF, « LE COBALT ET LES MINERAIS STRATEGIQUES EN RDC.

Enjeux stratégiques, économiques, sociopolitiques et environnementaux globaux. Le momentum congolais ?

Voici venir le « kairos », le moment favorable pour l’économie minière de la RDC avec la montée de certains produits miniers de base et stratégiques comme le Cuivre, l’Or, le Lithium, le Cobalt … ? La RDC est-elle prête à saisir ce momentum, ou va-t-elle encore, comme par le passé, passer à côté ? Comment positionner la RDC sur le terrain de la géostratégie, géoéconomie et géopolitique des minerais stratégiques dans le sens du nouveau code minier congolais du 9 mars 2018 ? La seule politique fiscale (jouer sur la fiscalité) est-elle suffisante pour profiter du momentum ou faut-il une politique industrielle et de transparence des revenus plus costaud, visible, lisible et cohérente ? Une politique publique des minerais stratégiques s’impose en RDC.

Du 12 au 13 avril 2018 une conférence-forum, organisée par le         Centre Arrupe pour la Recherche et la Formation (CARF)-centre des jésuites à Lubumbashi, RDC- s’est tenue au CARF autour du « Cobalt et minerais stratégiques en RDC. Enjeux stratégiques, économiques, sociopolitiques et environnementaux globaux. Le momentum congolais ? ». Le DG du CARF, le Père Jean NYEMBO, a d’entrée de jeu invité les participants,- à la manière du laboureur et ses enfants– à aller en profondeur dans leurs réflexions pour mieux nous aider à saisir les enjeux du Cobalt et des minerais stratégiques pour notre pays, ainsi ne pas brader nos richesses mais les mettre au service du développement durable et intégral de nos populations. Le Président de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC/Lualaba), également représentant de la FEC-Haut-Katanga, pour la circonstance, et le directeur du cabinet du ministre provincial des mines du Haut-Katanga, dans leurs mots de circonstance,  n’ont pas manqué de souligner le caractère opportun et l’à propos de la conférence. La conférence avait pour objectif global : contribuer à l’élaboration et à la mise en place d’une politique nationale du Cobalt et autres minerais stratégiques en République Démocratique du Congo. De manière spécifique, les participants à ces assises ont  réfléchi et donné des éléments de réponse aux questions de :

  • Comment permettre au secteur privé et public, aux populations et aux communautés locales de tirer profit du Cobalt et des autres minerais stratégiques en RDC,
  • Comment éviter que le Cobalt ne devienne source de « malheur » pour la RDC comme l’ont été son diamant, son Coltant, sa Cassitérite ?

Pour atteindre ces objectifs, quatre panels de réflexion ont été constitués :

  • Cobalt et enjeux géostratégiques, géoéconomiques et géopolitiques globaux, (Prof. Kipepe Odon, DGA RWASHI MINING et Prof à la Polytech/Lushi ; Prof. Kahamba Jean-Luc, DGA COMMUS et Directeur des assurances GECAMINES ; Prof. Tshinyama Ildephonse, DG école de criminologie/UNILU ; Jean-Paul Onkenda, Représentant pays de NRGI- par vidéo-conférence à partir de New-York).
  • Industrie minière et minerais stratégiques en RDC (M. Charles Mwinkeu, DGA BOSS MINING ; Prof. Gaby Ilungu Mutombo, Doyen Polytech/Lushi ; Prof. Kadiat, économiste-UNILU et UNIKOL- ; Honorable Me. Yabili Victor, Avocat en Mines, Président et SG du Groupe Exodus)
  • Cobalt et politique publique des minerais stratégiques en RDC (Me. Valery MUKASA, Directeur du Cabinet du Ministre national des mines, empêché, a envoyé ses recommandations sur les minerais stratégiques en RDC ; Florent Musha, PCA- POM ; Mr Armenian Jean- François, Economiste Industriel et DGA de EMACON ; Chryso Awila et Jacques Nzumbu, CARF ; – avec intervention et complément de M. Michel Shengo, Directeur du cabinet du Ministre provincial des mines du Haut-Katanga)
  • Cobalt et industrie automobile, industrie des smartphones, ordinateurs, tablettes et armements (Mr. Philippe, Conseiller principal du DG de CDM ; Mr. Kibeya Kabemba, Directeur Technique de la COMINIERE ; Prof. Jean-Luc Kahamba, DGA COMMUS ;-avec intervention et complément de M. Jean François Armenian).

Les participants ont formulé  des recommandations pour une politique publique idoine des minerais stratégiques en RDC. Ces recommandations peuvent se résumer en cinq (5) axes clés (SIEMF) :

  • STRATIFICATION: enjeux stratégiques, scientifiques, sociaux et sécuritaires (Politique de maîtrise : politique stratégique des minerais stratégiques-critère de classification le plus vite possible- la gestion des réserves stratégiques- diversification des minerais stratégiques -devenir faiseur des prix en matière des minerais stratégiques ; politique scientifique et géologique des minerais stratégiques- institution des cellules ou des écoles en recherche sur les minerais stratégiques et leur géostratégie- promotion de la recherche et stratégies  sur la question majeure de la substitution du Cobalt dans les batteries rechargeables pour véhicules électriques et smartphones, tablettes et ordinateurs- connaissance de la carte  géologique actualisée des minerais stratégiques, car les gisements connus sont déjà vendus à des privés et l’Etat n’en a plus en réalité la maîtrise ; politique sociale des minerais stratégiques au bénéfice des populations et  communautés locales ; politique sécuritaire des minerais stratégiques). Ce qui suppose, un Etat stratège, qui à terme devra redevenir un commerçant (vendeur) des minerais stratégiques comme au temps de la CIPEC (Cartel des exportateurs du Cuivre créé à l’initiative du CHILI en 1967). Actuellement ce sont les entreprises privées qui exercent les activités commerçantes (de vente à l’extérieur) des minerais et non pas l’Etat congolais.
  • INDUSTRIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE: enjeux économiques, environnementaux et entrepreneurials locaux (Industrialisation du secteur minier congolais ; usines de transformation et construction des raffineries de Cobalt et minerais stratégiques en RDC ; attirer les utilisateurs finaux du cobalt et autres minerais stratégiques à s’installer en RDC ; éviter des simples investisseurs traders des minerais en RDC ; usines de fabrication des batteries pour véhicules électriques ; usines de fabrication des batteries rechargeables pour les smartphones, tablettes et ordinateurs… ; politique de protection et réhabilitation de l’environnement ; politique économique de prise de participation minière par les congolais dans les entreprises minières privées ; promotion et émergence de l’entrepreneuriat minier local ; vision économique des minerais stratégiques ; institution d’un fond souverain minier pour les générations futures ; diversification de toute l’économie congolaise, pas seulement les mines. Créer des ponts entre les mines et le secteur agricole, énergétique,  manufacturier et les réseaux ferroviaires  et routiers du pays)
  • ENERGIE ET FINANCIARISATION DU SECTEUR MINIER: enjeux énergétiques et financiers dans le secteur minier industriel et artisanal (politique énergétique pour soutenir le développement industriel des mines ; politique d’investissement-mise en place du fond d’investissement minier public et privé- et maîtrise de la financiarisation moderne du secteur minier pour éviter des investisseurs aventuriers, des simples traders, sans expérience ni capacités minières de taille-comme c’est le cas dans la plupart des projets miniers en RDC; création des banques d’investissements miniers pour soutenir les entrepreneurs miniers locaux au niveau de l’artisanat, des coopératives minières, des centres de négoces, des comptoirs, de la petite mine, entité de traitement ainsi qu’au niveau industriel ; création de la bourse locale des valeurs des produits miniers artisanaux)

  • MODERNISATION, FORMATION ET TRANSFORMATION DE L’ARTISANAT MINIER (enjeux transitionnel-de l’artisanat à l’industrie :-formations et écoles des techniciens des mines et des mines souterraines ; formation des masters professionnels en mines et autres ressources naturelles de de la RDC, des mining business school; passer de l’artisanat archaïque, traditionnel à un artisanat plus « mécanisé », plus technique ; enjeux commerciaux, dans le sens du OHADA –coopératives minières, centres des négoces, comptoirs, entités de traitement – dans le nouveau code minier ; financement des coopératives minières ; construction et financement des centres des négoces et comptoirs-suivis des banques d’investissements à côté , avec une bourse locale des produits miniers locaux, à des prix justes pour permettre l’essor d’une classe moyenne issue du secteur miner artisanal et lutter contre l’indexation du Cobalt congolais comme minerais des conflits en rendant la chaine de commercialisation plus attrayante et juste).
  • FISCALITE ET TRANSPARENCE DES REVENUS: enjeux juridiques et sociaux (Fiscalité incitative pour les entreprises de transformation, de raffinerie de Cobalt et autres minerais stratégiques en RDC ; fiscalité incitative pour les utilisateurs finaux du Cobalt et autres minerais stratégiques qui s’installent en RDC ; fiscalité claire quand le minerai n’est plus déclaré « stratégique » ; transparence des revenus issus des minerais stratégiques ; création d’un fond de développement local au niveau des ETD alimenté par les revenus issus des minerais stratégiques pour les générations présentes et futures. Etudier la possibilité que certains éléments du régime fiscal soient payés par les entreprises privées  à l’Etat en nature, comme dans certains contrats du secteur pétrolier dans le monde.

Jacques Nzumbu, SJ.

Recherche et gouvernance des ressources naturelles- CARF.

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